Salut à vous! Aujourd'hui, c'est dimanche, et ce dimanche je tape sur les chantres de la position victimaire. Mais si, vous les connaissez: ces gens pour qui assumer la responsabilité de leurs actes est intolérable, et qui préfèrent se parer de l'auréole du martyr. Ils se plantent ou veulent fuir un conflit potentiel, et c'est toujours la faute des autres.
Ouin ouin, tu me parles ainsi car je suis une femme.
Bouh houh, je rate tout ce que j'entreprends mais c'est la faute à la société.
Sniff sniff, ne me cassez pas les pieds, mes ancêtres étaient Noirs américains/Juifs/je ne sais quoi d'autre et ont été assez persécutés comme çà.
Vous voyez ce que je veux dire? Eh bien, cette attitude existe aussi en politique, et nous le voyons suite à la condamnation de Sarkozy pour association de malfaiteurs. Ce dernier a choisi comme ligne de défense de clamer son innocence et dit que, je cite: " Toutes les limites de l'Etat de droit ont été violées". Dans la catégorie "l'hôpital qui se fout de la charité", cette déclaration lui vaut certainement d'arriver vainqueur sur le podium, talonné de près par une certaine Marine Le Pen! Il se rend soudainement compte qu'il n'est pas intouchable, validant ainsi une citation d'un certain Montaigne: "Sur le plus haut trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul". Et quand on tombe, le retour à la réalité est souvent brutal.
Mais je ne m'attarderai pas ici sur ce verdict, ni sur les réactions de Sarkozy lui-même. Ce qui m'intéresse, c'est le coeur des pleureuses issu de la Droite qui en a résulté. Mon collègue Nicolas de Partageons mon avis les trouve inaudibles. Je pense quant à moi qu'on ne les entend que trop. Exemples:
Laurent Wauquiez estime que Sarkozy "a toujours servi la France avec passion et engagement" et "lui redit son soutien". En ce qui me concerne, quand un homme politique devient un repris de justice, tout soutien que j'aie pu manifester devient nul et non avenu. Mais enfin, chacun son truc.
François-Xavier Bellamy estime quant à lui que "ce traitement exceptionnel, que rien ne justifie, dit tout de ce jugement politique". Cà y est, le complot de la magistrature rouge pointe le bout de son nez.
Gérard Larcher s'est quant à lui interrogé sur "l'exécution provisoire de la peine, contraignant Sarkozy à aller en prison alors que les voies de recours ne sont pas épuisées". Eh oui, jeté au séchoir comme un vulgaire malfaiteur.
Et puis il y a Stéphane Le Rudulier, qui décroche la palme: ce jugement serait "un tsunami de honte" et il a d'ores et déjà écrit à Emmanuel Macron pour lui demander d'accorder à Sarkozy une grâce partielle portant sur l'exécution provisoire de la peine, ce qui lui éviterait d'aller dormir en prison.
Je vous passe les déclarations venant du Rassemblement National, qui ont déjà leur victime attitrée en la personne de la Marinette.
Si on se penche sur ces réactions, c'est bien le bal des hypocrites et la symphonie criarde de la victimisation qui sont à l'ordre du jour. La théorie populiste du complot des juges rouges est sortie du bois. Sarkozy n'est plus un homme jugé et condamné pour ses propres bêtises, mais une victime broyée dans l'étau d'une magistrature pourrie et gangrénée. Alors oui, vous allez me ressortir le "mur des cons", un épisode aussi navrant que scandaleux. Mais est-ce bien une raison pour être persuadé que si vous êtes de droite, vous ne serez pas jugé équitablement? C'est là jeter le bébé avec l'eau du bain. Oui, il est sain de remettre en cause le bon fonctionnement de nos institutions. Mais jeter tous les juges dans le même panier...un malaise commence à me gagner.
Cela me rappelle l'affaire Fillon suite à des révélations du Canard Enchaîné. Certains n'ont toujours pas digéré le rôle de ce dernier. Et pourtant, la fin de l'histoire fut que Fillon avait bel et bien commis les faits qui lui étaient reprochés.
La presse, satirique ou non, est un contre-pouvoir indispensable en démocratie. Si certains lui en veulent de faire son travail dès qu'elle pointe du doigt un homme politique qu'ils apprécient, j'estime qu'il y a du souci à se faire. Vous préféreriez une presse aux ordres?
Discréditer l'ensemble de la magistrature à coup de théories vaguement complotistes. Critiquer le rôle d'un contre-pouvoir qui fait son taf. Quand je vois çà, le malaise dont je parlais plus haut se fait bien profond. J'exagère peut-être, mais nous avons là un raisonnement qui non seulement est victimaire, mais rappelle furieusement les méthodes de certains populismes qui ne sentent pas vraiment la rose.
Et les mots ont des conséquences sur les esprits faibles et fanatiques: la présidente du tribunal qui a condamné Sarkozy a reçu des menaces de mort. Cà vous parle?
Alors non, je ne veux pas m'ériger en parangon de vertu républicaine. Mais la prochaine fois que vous vous poserez en victimes de je ne sais quel complot piloté par nos institutions , où traînerez un contre-pouvoir dans la boue pour avoir fait son travail - fake news, crierait un certain Président à la chevelure orangée: ayez l'honnêteté de vous regarder dans la glace. Je ne veux pas dramatiser et ne vous accuse pas de je ne sais quelles horreurs, mais vous êtes sur une pente glissante. Ce que vous verrez dans le miroir est peut-être bien plus sombre que ce que vous ne pensiez.
A la revoyure,
Juliette Evola.