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  • Lecornu à la sauce belge et gouvernement zombie.

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    Il ne faut pas être sondeur ou politologue pour se rendre compte qu'un léger (?) vent d'irritation souffle sur l'opinion française quant à un gouvernement qui n'a toujours pas montré le bout de son nez, presque un mois après l'accession d'Emmanuel Macron...euhh je veux dire de Sébastien Lecornu à Matignon. Pour l'expat vivant à Bruxelles que je suis, force est de constater que le karma semble prendre sa revanche sur les blagues sur les frites et l'accent belge dont certains Français sont friands: la France est bel et bien embourbée dans un scénario à la Belge: une fracture de l'échiquier politique en blocs qui peinent à trouver un consensus afin de former une majorité ou, au minimum, d'éviter la censure.

    Les concertations menées par Lecornu sont elles aussi très "belges": le premier ministre consulte d'abord toutes les parties en présence en vue de former un gouvernement, et le cap ne sera donné qu'ensuite. Cette méthode inhabituelle agace en France, où nous ne sommes pas habitués à un tel flou artistique. Lecornu a jeté quelques miettes de ci, de là, mais le plat de résistance tarde à être servi. Sa dernière déclaration est qu'il renoncera à l'emploi du 49.3 pour faire passer la pilule en cas de blocage...mouais. Pour une fois, je suis d'accord avec la Méluche, qui estime que c'est des salades. Comme qui dirait, les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

    Je ne vais pas détailler l'exercice de grand écart auquel Lecornu se livre, ni ses perspectives de réussite, et encore moins les probabilités très élevées de censure qui va lui tomber dessus comme la vérole sur le bas clergé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Mais j'aimerais vous parler d'un article lu récemment dans la section abonnés du Figaro, et qui a attiré mon attention sur une bizarrerie constitutionnelle.

    Je n'ai pas l'habitude de publier des résumés d'articles de presse mais, cet article étant réservé aux abonnés, je vais pour une fois déroger à cette règle, puis vous faire mes commentaires. Je tiens à préciser qu'il s'agit ici d'un petit jeu intellectuel qui reste du domaine de la théorie, je ne prétends pas que les faits exposés constituent une solution viable au blocage institutionnel actuel. Allons-y, retournons nous le cerveau. Les données issues de l'article sont en italique, et mes commentaires sont en texte normal.

    Voyez-vous, la Constitution ne fixe aucun délai pour ce qui est de la formation d'un gouvernement. Le gouvernement démissionnaire actuel pourrait-il donc théoriquement être maintenu jusqu'aux présidentielles de 2027? Vous me direz immédiatement qu'il y a un hic, et que les textes budgétaires doivent être présentés au Parlement pour la mi-octobre. Et pour ce faire, il faut un gouvernement de plein exercice, non?

    Pas exactement, et il y a une astuce: au nom de la continuité de l'Etat, la Constitution prévoit qu'un "budget d'urgence" puisse être mis sur pied par ordonnance, et ce que le gouvernement soit démissionnaire ou non.

    Comment çà marche? L'adoption d'un budget dépend non seulement de la Constitution mais aussi de la LOLF (Loi Organique relative aux lois de Finance), qui est une sorte de "Constitution financière" qui encadre le budget de l'Etat.

    L'Article 39 de la Constitution et l'Article 38 de la LOLF exigent que le projet de loi des finances soit proposé à l'Assemblée Nationale à la mi-octobre. Celle-ci a alors 40 jours pour adopter le texte en première lecture, s'il n'y a pas d'adoption  le gouvernement saisit le Sénat qui a 15 jours pour statuer. Et le Parlement a 70 jours au total pour adopter le budget complet.

    En cas de dépôt tardif du projet de loi des finances, l'Article 47.3 de la Constitution entre en jeu et un dispositif d'urgence est prévu: les dispositions de ce projet de loi peuvent être activées par ordonnance. Le gouvernement, qu'il soit démissionnaire ou en exercice, va demander au Parlement d'ouvrir par décrets les crédits provisoires nécessaires à la continuité du fonctionnement des services publics en attendant qu'un budget soit finalisé.

    On voit donc qu'un "budget d'urgence" peut être adopté par un gouvernement démissionnaire. Mais un tel gouvernement peut-il être censuré? Non, un gouvernement déjà démissionnaire ne peut pas être à nouveau renversé par les députés: on ne peut pas tuer ce qui est déjà mort. C'est, en quelque sorte, un gouvernement zombie. Et une motion de censure vise le gouvernement en tant qu'organe, et non le premier ministre. Et même renversé, ce dernier pourrait être immédiatement remis en place par le Président. Et cette fois, il y a un précédent: en 1962, Pompidou avait été immédiatement re-nommé premier ministre par de Gaulle après avoir été censuré.

    Nous voyons donc qu'il y a des failles constitutionnelles qui permettraient en théorie de maintenir indéfiniment Sébastien Lecornu et un gouvernement démissionnaire en affaires courantes jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Cela rendrait "irrenversable" le premier ministre et son équipe sortante.

    Ceci étant, est-ce parce que c'est possible que c'est souhaitable? Un gouvernement éternellement en affaires courantes ne pourrait pas faire de réformes de fond ni poser aucun acte qui engagerait durablement un gouvernement futur. Et pour ce qui est de sa légitimité politique, ce ne serait franchement pas terrible. Mais, et je vais me faire l'avocat du diable, serait-ce vraiment pire qu'un blocage total à long terme ou un boulevard ouvert au RN par une éventuelle dissolution? Je ne me prononcerai pas là dessus.

    Je conclurai en disant que parler de cette option zombie n'était qu'un exercice intellectuel qui m'a permis d'aller trifouiller dans la Constitution (j'aime bien çà), et pas nécessairement quelque chose que je considère comme un scénario qui pourrait se concrétiser.

    Quoique...bien sûr la Belgique n'est pas la France, mais les Belges jouent régulièrement à ce genre de jeu depuis bien des années

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola

     

  • Blockbuster de la rentrée: Hara Kiri à Matignon.

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    Ce vieux Karl Marx n'avait pas tort sur tout: il nous disait que l'Histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme une tragédie et la seconde fois comme une farce. C'est franchement comique que j'aie choisi une illustration du film "Retour vers le futur" pour illustrer mon précédent billet, car ce matin j'ai l'impression d'avoir fait un petit trajet dans la fameuse voiture DMC-12 DeLorean, la machine à remonter le temps de ce film culte. Avec réglage sur le 9 juin 2024, le jour du pari de poker foiré de la dissolution de l'Assemblée Nationale. Quel rapport me direz-vous? Je m'explique:

    Lors de la conférence de presse d'hier, François Bayrou, ayant décrété avec raison que "la France traverse un moment d'hésitation et de trouble", va demander un vote de confiance à l'Assemblée Nationale le 8 septembre histoire de valider le principe d'un effort de 44 milliards de réduction du déficit. Afin de clarifier la situation. Mouais.

    Cela me rappelle furieusement la dissolution de l'Assemblée Nationale l'an dernier, censée elle aussi clarifier la situation suite à la sévère défaite du camp présidentiel aux élections européennes. Cette dramatisation des enjeux, ce coup de poker raté ont eu pour résultat un paysage politique encore plus fragmenté, pas de majorité, bref une instabilité chronique qui risque bien de mener à la chute du gouvernement actuel. Il est évident que les oppositions, LFI et RN en tête, vont voter contre la confiance. Et le PS, à côté de la plaque comme souvent, semble s'aligner sur la LFI. Au moment où j'écris ces lignes, Bruno Retailleau a déclaré que Les Républicains voteront la confiance au gouvernement, mais 100 députés cela ne suffira évidemment pas à sauver les miches de Bayrou.

    Je ne pense pas que jouer à nouveau la dramatisation des enjeux soit la meilleure méthode pour rallier du soutien parlementaire, surtout si les mesures proposées par ce budget ne changent pas par rapport à ce qui avait été annoncé plus tôt, et qui avait déjà provoqué une levée de boucliers.

    Comme Macron il y a un an, Bayrou joue à un jeu dangereux. C'est jouable si on propose des pistes acceptables et négociables à l'opinion, mais ce n'est pas le cas ici. Une déclaration d'Albert Einstein me revient à l'esprit: "La définition de la folie, c'est de faire toujours la même chose en s'attendant à des résultats différents". Je pense que Bayrou est en train de se faire hara-kiri dans la joie et la bonne humeur, et que le gouvernement va probablement tomber. La Bourse de Paris a reculé à -1,9% ce matin, une frilosité qui se fait l'écho de la crainte d'un choc à venir.

    Et après? Trouver un autre Premier Ministre? Cà sera à nouveau la croix et la bannière. Une nouvelle dissolution inéluctable, avec pour résultat probable une Assemblée encore plus hostile et une marge de manoeuvre encore plus réduite pour l'Exécutif, chose qu'un Macron échaudé a publiquement déclaré vouloir éviter? Cà nous pend au nez.

    Bref, je ne sais pas ce que l'avenir proche nous réserve, mais je m'installe dans mon siège avec la ceinture bouclée, les médicaments anti-nausée pris, et des sacs à vomi à portée de la main, car à mon avis cette rentrée va secouer.