
La Mariée était en Noir.
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Méthode universelle pour réformer.
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Les petites phrases du Général de Gaulle.

"Les Français sont des veaux! Ils n'ont pas encore compris qu'ils ont perdu la guerre. Ils méritent ce qui va leur arriver".
C'est avec cette phrase très dure, rapportée par André Malraux après l'Appel du 18 juin 1940, que Charles de Gaulle inaugurait une série de "petites phrases" prononcées tout au long de sa carrière. L'analogie avec les veaux marquait sa tristesse et son exaspération face à une partie de la population française qui allait suivre de manière résignée et apathique la voie de la collaboration et donc de la trahison.
Mais nous ne sommes pas ici pour un cours d'Histoire. Je voulais partager avec vous l'agacement que je ressens à chaque fois qu'un quidam sort des phrases du type: de Gaulle ne se serait jamais comporté ainsi. de Gaulle n'aurait jamais dit çà. Le pauvre Général doit se retourner dans sa tombe à chacune de ces tentatives de psychotage provenant de gens qui, assurément, savent mieux que lui ce qu'il penserait, ferait et dirait dans les circonstances présentes.
Dans ce billet, j'aimerais me pencher sur certaines de ses "petites phrases", et imaginer la réaction qu'elles susciteraient dans un monde de la communication régie par les rézozos sociaux et la quête permanente de la phrase polémique. Je n'ai pas succombé aux sirènes de l'IA pour ce faire. Je me suis basée sur 3 bouquins que je cite en fin de billet et où je savais trouver quelques anecdotes croustillantes.
Nous avons donc commencé avec "les Français sont des veaux". Continuons:
"Les français sont des enfants gâtés. Ils râlent sans cesse, mais ne veulent rien changer." Phrase reportée par Alain Peyrefitte dans un contexte de grogne sociale en 1966-1967. Cette phrase a un petit parfum de "Gaulois réfractaires", non?
Il y a aussi le fameux "La réforme, oui. La chienlit, non. Et la chienlit, ce n'est pas moi!" lors des évènements de mai 1968. Et de surenchérir:
"C'est purement négatif de toujours remettre tout en cause. C'est, en somme, la marque des faibles et des incapables".
Ou encore: "La mollesse française est d'une extrême épaisseur. Mais même en France, elle n'est pas l'avenir, qui est aux forts."
Un petit peu de "vivre ensemble"? Voilà: "Je vais vous dire ce que c'est que l'Afrique: c'est noir et çà grouille." Ouille! Le bruit et l'odeur à côté, c'est de la petite bière.
Imaginez un peu le tollé que provoquerait ce genre de petites phrases si les médias et les réseaux actuels s'en emparaient. Elles seraient immédiatement considérées comme du mépris et du paternalisme outrancier vis-à-vis d'une partie de la population. Quant à la petite touche sur l'Afrique, incidents diplomatiques en vue.

Et qu'en est-il de ces autres saillies au sujet de la conception de la gouvernance, si elles étaient transposées à notre époque où le mot "dictateur" est si vite dégainé? Allons-y pour un petit florilège:
"Les partis, c'est le cancer de la France". Carrément!
"Il ne peut y avoir qu'une seule autorité: la mienne."
Nous voyons à quel point de Gaulle considérait le Président comme une figure d'autorité solitaire, qui n'exerce pas le Pouvoir mais est le Pouvoir incarné. Sa parole est rare et très verticale, en contraste flagrant avec le bruit de fond constant des réseaux sociaux et des media modernes, où la parole est continue, égalitaire mais diluée. Les politiciens modernes, Président en tête, usent et abusent de cette stratégie de l'exposition médiatique quasi constante. Qui écoute encore vraiment ce brouhaha omniprésent?
Tout çà pour vous dire que beaucoup de gens ressortent le Général du placard au moindre mécontentement, en ignorant involontairement ou volontairement la sévérité avec laquelle il s'exprimait souvent. Je ne manque jamais de donner à ces nostalgiques une petite piqûre de rappel dès que j'entends ce type de raisonnement. Car oui, en son temps de Gaulle n'était pas encore tout à fait la figure quasi mythique qu'il est devenu. Certains le disaient arrogant, autoritaire et paternaliste, et voyaient en lui un dictateur potentiel. N'avait-il pas activé l'Article 16 de la Constitution lors du putsch des Généraux en 1961 en Algérie?
Vous me rétorquerez sans doute - non sans logique - qu'il est impossible de comparer un chef de guerre et chef d'Etat ayant gouverné il y a plus d'un demi-siècle à l'offre politique actuelle. Et ce n'est pas faux. Mais là n'est pas mon propos. Je tiens simplement à souligner que le Général a bel et bien atteint le statut d'icône nationale idéalisée, mais que lorsqu'il avait quelque chose à dire il ne mâchait pas ses mots, et pouvait être extrêmement tranchant.
Et qu'à notre époque, où il n'y a plus moyen d'être un peu cash en ligne sans que quelqu'un ne se sente rapidement offensé et crie à la micro-agression, notre bon Général aurait probablement suscité quelques psychodrames suite à ses petites phrases bien senties.
A la revoyure,
Juliette Evola.
Ouvrages consultés:
Les Chènes qu'on abat - André Malraux, 1971
De Gaulle, mon père - Philippe de Gaulle,
C'était de Gaulle - Alain Peyrefitte (1994-2000)
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Je vous salue Marie.

J'ai 16 ans.
Le film passé par notre prof de physique est arrivé en bout de course et cliquette contre sa bobine. Ni internet ni outils digitaux en ce temps-là. La lumière n'est pas encore rallumée mais mon imagination, comme souvent, tient lieu d'écran de cinéma. Marquée à tout jamais dans ma tête, l'image de cette petite bonne femme en robe noire aux deux Prix Nobel, contemplant d'un air un peu revêche ses fioles et ses appareils de mesure. Marie Curie.
Avec l'absolue certitude d'une révélation, je sais: peu me chaut mes bons résultats dans les branches littéraires et les langues - je serai une scientifique. Je sais que Madame Curie serait d'accord: si on s'accroche et qu'on travaille assez dur, on y arrive.

J'ai 20 ans.
Il me faut identifier ces marqueurs cancéreux. Donc je vais extraire le matériel génétique de ce tissu, et synthétiser un traceur radioactif. La double hélice ADN de Watson & Crick déploie sa géométrie fabuleuse dans mon esprit, et j'ouvre avec précaution le petit container de plomb et de plastique. Le compteur Geiger revient à la vie et le rayonnement invisible du Phosphore-32 me chante sa petite chanson. Est-ce que j'ai peur? Je ne m'en souviens pas. Mais j'ai la conscience intense et absolue de titiller un dragon endormi. La science comporte des dangers, mais elle est découverte et émerveillement.
Dans ce monde, rien n'est à craindre, tout est à comprendre, nous disait Marie Curie.
Des années plus tard.
Le bureau de Juliette? C'est trois portes plus loin. Vous ne pouvez pas vous tromper, il y a un portrait de Marie Curie.
Merci, chère Madame. Je n'ai pas remporté de Prix Nobel et cela n'a aucune importance, mais tout au long de ma vie je suis restée cette ado de 16 ans émerveillée de découvrir des choses. Et cela n'a pas de prix.
A la revoyure,Juliette Evola.
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Donjons, dragons, prison.

Or donc, c'est fait: ce soir, Nicolas Sarkozy dormira en prison.
J'avais écrit un billet quand il a pris cinq ans assortis d'exécution provisoire, et j'avais abondamment commenté cette décision de justice sur divers blogs. Oui, je crois que quand on traîne toute une batterie de casseroles, il y a un moment où on finit par payer l'addition. Les magouilles c'est comme la Lune dans le ciel, parfois elle est cachée mais elle finit toujours par se voir. Non, je ne crois toujours pas au "complot des juges rouges". Et le proverbe disait vrai: le pouvoir corrompt, et le pouvoir suprême est un risque encore plus grand de corruption. Le jour de l'incarcération de Sarkozy devrait donc me laisser relativement indifférente vu que les choses étaient programmées depuis un moment.
Pourquoi alors suis-je d'humeur aussi massacrante?
Bien sûr, aujourd'hui n'est pas un jour de gloire pour ce qui est de l'image donnée par notre classe politique: un ancien chef de l'Etat derrière les barreaux comme le dirigeant déchu d'une vulgaire république bananière, il n'y a pas de quoi se réjouir. Mais je me rends compte que mon malaise est plus insidieux encore.
J'ai été sarkozyste en 2007. Je ne l'étais plus en 2012. Petit à petit et au cours des années, j'ai adopté une démarche très circonspecte vis-à-vis des hommes politiques et des idéologies. Je préfère l'examen réfléchi des actions sur le terrain aux postures de partisans rangés derrière le chef avec le doigt sur la couture du pantalon. Je n'aime plus trop les adjectifs et qualificatifs en -iste et -isme, qui me paraissent assez réducteurs, bien que j'en use parfois comme facilité de langage.
Sarkozy, donc. Au delà de ses idées, réalisations, revirements ou foirages, il a toujours eu une personnalité que les gens adoraient ou détestaient, mais qui laissait rarement indifférent. Il y a un côté émotif oriental chez lui, et une propension marquée à la transgression et à la disruption. Il porte en lui un peu de ce que les rôlistes de l'univers Donjons et Dragons identifient comme l'Etoile du Chaos. Dans cet univers, le Chaos n'est pas nécessairement destruction et bordel désorganisé, il peut également être promesse de renouveau et dépassement des anciennes croyances. C'est une arme à double tranchant, puissante mais souvent dangereuse.

Et c'est ici que ce billet cesse d'être politique pour entrer à pieds joints dans la sociologie de comptoir assaisonné de culture geek. Dans la vie réelle, je repère les individus dont la pensée est en alignement chaotique de façon immédiate et viscérale. La résonance est aussi naturelle que celle de l'aiguille d'une boussole qui s'aligne sur le Nord magnétique. Oh rassurez-vous, rien de pathologique n'en découle. Il n'y a pas de tueurs en série, de bandits de grand chemin comme Bonnie et Clyde, ou de révolutionnaires aux mains sanglantes dans mon petit Panthéon personnel (et Panthéon est un grand mot). Je ne crée pas de liens affectifs malsains avec de mauvaises fréquentations, ne souffre d'aucune assuétude (à part de discuter politique) et n'ai jamais eu de problèmes avec la justice. D'ailleurs, je recherche souvent parmi mes connaissances des gens stables et cartésiens qui contrebalanceront mes propres fulgurances, mon propre chaos.
Est-il donc vraiment surprenant qu'une personnalité comme Sarkozy ait attiré mon attention, par delà même de son positionnement politique? Bien sûr que non. Est-ce une des raisons pour les quelles sa chute m'agace? Y a-t-il encore un peu de sa personnalité chaotique qui ne me laisse pas indifférente? Il y a probablement de çà. Fin du capillotractage sociologique.
De plus, il y a un peu de mon ancien moi que j'enterre en tournant pour de bon la page Sarkozy. L'époque où j'étais une idéaliste incapable de compromis, carrée, tranchante, d'une maturité politique à peine adolescente malgré mon âge adulte. Je relis parfois certains vieux billets de mon ancien blog de 2007...ah que j'étais naïve alors! Les portes de la prison de la Santé se referment avec un clic définitif sur ma naïveté d'antan. Je dois bien admettre que j'en suis parfois nostalgique. C'est sans doute la raison principale pour laquelle je suis de mauvais poil aujourd'hui.
Cela veut-il dire que j'aurais gardé quelque part un petit peu d'affect pour cette vieille canaille de Sarko? Peut-être bien! Ce n'est pas rationnel, mais je suppose que c'est humain.
A la revoyure,
Juliette Evola.
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Communication de service.

Amis lecteurs bonjour!
Malgré l'actualité brûlante, il est possible que je suspende l'écriture de billets pendant quelques jours. Une amie a des problèmes de santé peu graves mais enquiquinants et, vu sa mobilité réduite pour l'instant, je vais m'installer chez elle pendant quelques jours pour assurer la logistique et le soutien moral.
Peut-être que je bloguerai, et peut-être pas. Comme elle habite une charmante fermette à la campagne, je préférerai peut-être bouquiner au jardin et aller faire des balades avec le chien plutôt que de guetter les soubresauts du monde politique.
J'espère que Macron n'aura pas usé 358 premiers ministres supplémentaires d'ici mon retour. Ce serait sympa et préserverait ma santé mentale, merci.
A la revoyure,
Juliette Evola.