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La Mariée était en Noir. - Page 4

  • Pensées crépusculaires.

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    Vivons-nous une crise politique, voire même une crise de régime? Peut-être. Et peut-être que c'est bien pire. Je me dois de jouer les Cassandre, mais du corps de notre démocratie s'élève une odeur bien reconnaissable: celle de la gangrène, celle d'une décomposition voilée mais tangible. La classe politique n'est plus un orchestre qui joue parfois des notes discordantes, c'est un ramassis d'individus incapables de jouer autre chose que leur propre partition, sans se soucier des voisins. On s'exclut mutuellement, on rejette la moindre concession, l'intérêt particulier et la psycho-rigidité politique remplacent le bien commun.

    Du haut de leurs quelques misérables pourcents aux dernières législatives, des roitelets s'agitent, s'imaginant faiseurs de rois. Ils exigent leurs trophées, rêvent d'une bonne assiette de soupe malgré leurs gesticulations outrées. Ils agitent leurs conditions comme autant de tabous non négociables. Ce n'est qu'un bal de petites gens frustrés et ambitieux, l'oeil braqué sur la présidentielle de 2027. 

    Certains, par clientélisme mortifère, s'associent à ce que nos sociétés ont produit de pire au siècle dernier: l'antisémitisme, la théocratie, la haine de l'opposant politique. Et une partie de la vielle Gauche, la vraie, celle qui est respectable, chipote en hésitant à demander un divorce net avec ceux qui agissent de la sorte. Ne se rendent-ils pas compte qu'il s'agit d'un repoussoir absolu pour certains? Pour ma part je n'oublierai pas le spectacle lamentable du président d'un parti démocratique appelant à hisser le drapeau palestinien au fronton de nos mairies.

    Puis il y a ceux qui tremblent devant la menace de l'extrême-drouââte. Je suppose qu'ils ne se rendent pas compte que c'est leur manque de colonne vertébrale et leurs compromissions qui ont poussé bon nombre d'électeurs à émettre un vote coup de poing, un vote de sanction, un vote de refus. Les partis traditionnels feraient bien de faire leur examen de conscience et de se regarder dans la glace: peut-être arriveraient-ils à la conclusion que ce sont leurs propres indigences qui sont à l'origine de cette situation

    Ensuite viennent les tenants de la pensée iPhone. Mais oui, vous savez bien, ceux qui se ruent sur l'achat d'un nouveau modèle dès que le précédent ne leur plaît plus trop. Je fais référence, bien sûr, aux zozos qui appellent à la démission du Président. Il faut avoir bien peu de recul pour imaginer que si Macron partait, du jour au lendemain tout irait mieux. Ah bon? Il y a un rayon chez IKEA qui propose un homme providentiel en kit qui va tout résoudre d'un claquement de doigts? C'est risible. Que Monsieur Toulmonde pense ainsi par colère et ras-le-bol, c'est une chose. Mais que des politiques chevronnés comme ce dépendeur d'andouilles d'Edouard Philippe tiennent le même discours...je lève les yeux au ciel. Ces gens-là veulent tuer le père, phénomène courant en politique, mais ils ne proposent aucune solution alternative. 

    N'oublions pas les doctes paroles de ceux qui disent qu'un paysage politique fracturé en trois blocs ne peut conduire à aucune majorité viable. Tous nos voisins arrivent à former des gouvernements de coalition, mais pas nous, dieu nous en préserve (rictus sarcastique). Et après on va pleurer quand on se fait traiter de Gaulois réfractaires. Mais je me marre! C'est pas réfractaire au changement et au compromis qu'il faut dire: on est carrément dans des schémas psychorigides aux conséquences délétères.

    Car pendant ce temps, la situation économique s'aggrave, et je ne parle même pas de l'image de la France à l'étranger. Les agences de notation et les instances européennes aussi nous surveillent: un pays incapable de se stabiliser politiquement et économiquement va, plus tôt que tard, s'attirer leur foudres. Et les marchés financiers observent, calculent, et un beau jour ils sanctionnent, n'ayez aucun doute là-dessus.

    Nouvelle marotte: suspendre la réforme des retraites pour lâcher un demi-susucre à la Gauche. La belle affaire. Nous sommes dans un pays où plus de gens meurent qu'ils ne naissent, une pyramide démographique vieillissante. Refuser de prendre en compte ce vieillissement de la population et la nécessité, certes douloureuses, de toucher à la vache sacrée de l'âge de la pension, c'est une fuite en avant budgétaire.

    Une nouvelle dissolution? Elle ne changerait pas grand chose au fractionnement de l'échiquier politique, même si le Centre s'effondre (ce qu'il fera) et que le RN progresse (ce qu'il fera aussi). 

    Le mal institutionnel français n'est pas uniquement celui de Macron (qui n'est pas pour autant blanc bleu dans l'affaire), c'est celui d'une génération de politiques incapables de négocier, de former une coalition, de faire un programme et de gouverner. Et oui, cette immaturité politique et démocratique cause des foyers de gangrène. Le moment n'est pas bien loin où beaucoup de gens, épuisés et dégoûtés de leur classe politique, rêveront en secret d'un dirigeant au geste fort, tranchant et brutal. Vous verrez.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

  • Zut à la fin!

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    Voilà une matinée qui tourne au vinaigre: non seulement le gouvernement Lecornu a implosé en vol quelques heures après sa formation, mais mon confrère Nicolas se met en grève, car les évènements se succèdent de façon tellement rapide que les billets qu'il écrit deviennent obsolètes avant même d'être publiés. C'est mon cas aussi. Hier j'avais veillé assez tard pour écrire ce que je pensais du nouveau gouvernement dans un billet à publier ce matin après relecture, mais pouf, tout part en sucette. 

    Je décide donc de débrayer à mon tour et de prendre quelques distances avec l'écriture de billets politiques. Il est peut être enfin temps que je vous parle des derniers livres que j'ai lu, ou de mon amour pour le Science-Fiction, l'Heroic Fantasy et les jeux de rôles.

    Je ne sais pas combien de temps cette résolution tiendra. Peut être pas plus longtemps que le gouvernement Lecornu. Une des principales raisons pour lesquelles je n'ai pas envie d'élaborer sur la situation est que le ralbol provoqué par le spectacle piteux de notre classe politique additionné à une désillusion sarcastique croissante me ferait probablement dire des choses qui dépassent ma pensée et flirtent avec un certain populisme. Je ne suis pas immunisée contre ce phénomène, et même si mes barrières éthiques montent une garde vigilante, il y a des moments où le Côté Obscur de la Force me chatouille un peu le cerveau.

    Bien. Il ne reste plus à Macron que de nommer son chien Nemo premier ministre. Dans la Rome antique, un cheval avait bien été nommé consul. Bon, voilà que je recommence...tais-toi Juliette, et va boire une tisane.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

  • Lecornu à la sauce belge et gouvernement zombie.

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    Il ne faut pas être sondeur ou politologue pour se rendre compte qu'un léger (?) vent d'irritation souffle sur l'opinion française quant à un gouvernement qui n'a toujours pas montré le bout de son nez, presque un mois après l'accession d'Emmanuel Macron...euhh je veux dire de Sébastien Lecornu à Matignon. Pour l'expat vivant à Bruxelles que je suis, force est de constater que le karma semble prendre sa revanche sur les blagues sur les frites et l'accent belge dont certains Français sont friands: la France est bel et bien embourbée dans un scénario à la Belge: une fracture de l'échiquier politique en blocs qui peinent à trouver un consensus afin de former une majorité ou, au minimum, d'éviter la censure.

    Les concertations menées par Lecornu sont elles aussi très "belges": le premier ministre consulte d'abord toutes les parties en présence en vue de former un gouvernement, et le cap ne sera donné qu'ensuite. Cette méthode inhabituelle agace en France, où nous ne sommes pas habitués à un tel flou artistique. Lecornu a jeté quelques miettes de ci, de là, mais le plat de résistance tarde à être servi. Sa dernière déclaration est qu'il renoncera à l'emploi du 49.3 pour faire passer la pilule en cas de blocage...mouais. Pour une fois, je suis d'accord avec la Méluche, qui estime que c'est des salades. Comme qui dirait, les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

    Je ne vais pas détailler l'exercice de grand écart auquel Lecornu se livre, ni ses perspectives de réussite, et encore moins les probabilités très élevées de censure qui va lui tomber dessus comme la vérole sur le bas clergé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Mais j'aimerais vous parler d'un article lu récemment dans la section abonnés du Figaro, et qui a attiré mon attention sur une bizarrerie constitutionnelle.

    Je n'ai pas l'habitude de publier des résumés d'articles de presse mais, cet article étant réservé aux abonnés, je vais pour une fois déroger à cette règle, puis vous faire mes commentaires. Je tiens à préciser qu'il s'agit ici d'un petit jeu intellectuel qui reste du domaine de la théorie, je ne prétends pas que les faits exposés constituent une solution viable au blocage institutionnel actuel. Allons-y, retournons nous le cerveau. Les données issues de l'article sont en italique, et mes commentaires sont en texte normal.

    Voyez-vous, la Constitution ne fixe aucun délai pour ce qui est de la formation d'un gouvernement. Le gouvernement démissionnaire actuel pourrait-il donc théoriquement être maintenu jusqu'aux présidentielles de 2027? Vous me direz immédiatement qu'il y a un hic, et que les textes budgétaires doivent être présentés au Parlement pour la mi-octobre. Et pour ce faire, il faut un gouvernement de plein exercice, non?

    Pas exactement, et il y a une astuce: au nom de la continuité de l'Etat, la Constitution prévoit qu'un "budget d'urgence" puisse être mis sur pied par ordonnance, et ce que le gouvernement soit démissionnaire ou non.

    Comment çà marche? L'adoption d'un budget dépend non seulement de la Constitution mais aussi de la LOLF (Loi Organique relative aux lois de Finance), qui est une sorte de "Constitution financière" qui encadre le budget de l'Etat.

    L'Article 39 de la Constitution et l'Article 38 de la LOLF exigent que le projet de loi des finances soit proposé à l'Assemblée Nationale à la mi-octobre. Celle-ci a alors 40 jours pour adopter le texte en première lecture, s'il n'y a pas d'adoption  le gouvernement saisit le Sénat qui a 15 jours pour statuer. Et le Parlement a 70 jours au total pour adopter le budget complet.

    En cas de dépôt tardif du projet de loi des finances, l'Article 47.3 de la Constitution entre en jeu et un dispositif d'urgence est prévu: les dispositions de ce projet de loi peuvent être activées par ordonnance. Le gouvernement, qu'il soit démissionnaire ou en exercice, va demander au Parlement d'ouvrir par décrets les crédits provisoires nécessaires à la continuité du fonctionnement des services publics en attendant qu'un budget soit finalisé.

    On voit donc qu'un "budget d'urgence" peut être adopté par un gouvernement démissionnaire. Mais un tel gouvernement peut-il être censuré? Non, un gouvernement déjà démissionnaire ne peut pas être à nouveau renversé par les députés: on ne peut pas tuer ce qui est déjà mort. C'est, en quelque sorte, un gouvernement zombie. Et une motion de censure vise le gouvernement en tant qu'organe, et non le premier ministre. Et même renversé, ce dernier pourrait être immédiatement remis en place par le Président. Et cette fois, il y a un précédent: en 1962, Pompidou avait été immédiatement re-nommé premier ministre par de Gaulle après avoir été censuré.

    Nous voyons donc qu'il y a des failles constitutionnelles qui permettraient en théorie de maintenir indéfiniment Sébastien Lecornu et un gouvernement démissionnaire en affaires courantes jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Cela rendrait "irrenversable" le premier ministre et son équipe sortante.

    Ceci étant, est-ce parce que c'est possible que c'est souhaitable? Un gouvernement éternellement en affaires courantes ne pourrait pas faire de réformes de fond ni poser aucun acte qui engagerait durablement un gouvernement futur. Et pour ce qui est de sa légitimité politique, ce ne serait franchement pas terrible. Mais, et je vais me faire l'avocat du diable, serait-ce vraiment pire qu'un blocage total à long terme ou un boulevard ouvert au RN par une éventuelle dissolution? Je ne me prononcerai pas là dessus.

    Je conclurai en disant que parler de cette option zombie n'était qu'un exercice intellectuel qui m'a permis d'aller trifouiller dans la Constitution (j'aime bien çà), et pas nécessairement quelque chose que je considère comme un scénario qui pourrait se concrétiser.

    Quoique...bien sûr la Belgique n'est pas la France, mais les Belges jouent régulièrement à ce genre de jeu depuis bien des années

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola

     

  • Sarkozy et le choeur des pleureuses victimaires.

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    Salut à vous! Aujourd'hui, c'est dimanche, et ce dimanche je tape sur les chantres de la position victimaire. Mais si, vous les connaissez: ces gens pour qui assumer la responsabilité de leurs actes est intolérable, et qui préfèrent se parer de l'auréole du martyr. Ils se plantent ou veulent fuir un conflit potentiel, et c'est toujours la faute des autres.

    Ouin ouin, tu me parles ainsi car je suis une femme.

    Bouh houh, je rate tout ce que j'entreprends mais c'est la faute à la société.

    Sniff sniff, ne me cassez pas les pieds, mes ancêtres étaient Noirs américains/Juifs/je ne sais quoi d'autre et ont été assez persécutés comme çà. 

    Vous voyez ce que je veux dire? Eh bien, cette attitude existe aussi en politique, et nous le voyons suite à la condamnation de Sarkozy pour association de malfaiteurs. Ce dernier a choisi comme ligne de défense de clamer son innocence et dit que, je cite: " Toutes les limites de l'Etat de droit ont été violées". Dans la catégorie "l'hôpital qui se fout de la charité", cette déclaration lui vaut certainement d'arriver vainqueur sur le podium, talonné de près par une certaine Marine Le Pen! Il se rend soudainement compte qu'il n'est pas intouchable, validant ainsi une citation d'un certain Montaigne: "Sur le plus haut trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul". Et quand on tombe, le retour à la réalité est souvent brutal. 

    Mais je ne m'attarderai pas ici sur ce verdict, ni sur les réactions de Sarkozy lui-même. Ce qui m'intéresse, c'est le coeur des pleureuses issu de la Droite qui en a résulté. Mon collègue Nicolas de Partageons mon avis les trouve inaudibles. Je pense quant à moi qu'on ne les entend que trop. Exemples:

    Laurent Wauquiez estime que Sarkozy "a toujours servi la France avec passion et engagement" et "lui redit son soutien". En ce qui me concerne, quand un homme politique devient un repris de justice, tout soutien que j'aie pu manifester devient nul et non avenu. Mais enfin, chacun son truc.

    François-Xavier Bellamy estime quant à lui que "ce traitement exceptionnel, que rien ne justifie, dit tout de ce jugement politique". Cà y est, le complot de la magistrature rouge pointe le bout de son nez.

    Gérard Larcher s'est quant à lui interrogé sur "l'exécution provisoire de la peine, contraignant Sarkozy à aller en prison alors que les voies de recours ne sont pas épuisées". Eh oui, jeté au séchoir comme un vulgaire malfaiteur

    Et puis il y a Stéphane Le Rudulier, qui décroche la palme: ce jugement serait "un tsunami de honte" et il a d'ores et déjà écrit à Emmanuel Macron pour lui demander d'accorder à Sarkozy une grâce partielle portant sur l'exécution provisoire de la peine, ce qui lui éviterait d'aller dormir en prison.

    Je vous passe les déclarations venant du Rassemblement National, qui ont déjà leur victime attitrée en la personne de la Marinette.

    Si on se penche sur ces réactions, c'est bien le bal des hypocrites et la symphonie criarde de la victimisation qui sont à l'ordre du jour. La théorie populiste du complot des juges rouges est sortie du bois. Sarkozy n'est plus un homme jugé et condamné pour ses propres bêtises, mais une victime broyée dans l'étau d'une magistrature pourrie et gangrénée. Alors oui, vous allez me ressortir le "mur des cons", un épisode aussi navrant que scandaleux. Mais est-ce bien une raison pour être persuadé que si vous êtes de droite, vous ne serez pas jugé équitablement? C'est là jeter le bébé avec l'eau du bain. Oui, il est sain de remettre en cause le bon fonctionnement de nos institutions. Mais jeter tous les juges dans le même panier...un malaise commence à me gagner.

    Cela me rappelle l'affaire Fillon suite à des révélations du Canard Enchaîné. Certains n'ont toujours pas digéré le rôle de ce dernier. Et pourtant, la fin de l'histoire fut que Fillon avait bel et bien commis les faits qui lui étaient reprochés.

    La presse, satirique ou non, est un contre-pouvoir indispensable en démocratie. Si certains lui en veulent de faire son travail dès qu'elle pointe du doigt un homme politique qu'ils apprécient, j'estime qu'il y a du souci à se faire. Vous préféreriez une presse aux ordres? 

    Discréditer l'ensemble de la magistrature à coup de théories vaguement complotistes. Critiquer le rôle d'un contre-pouvoir qui fait son taf. Quand je vois çà, le malaise dont je parlais plus haut se fait bien profond. J'exagère peut-être, mais nous avons là un raisonnement qui non seulement est victimaire, mais rappelle furieusement les méthodes de certains populismes qui ne sentent pas vraiment la rose.

    Et les mots ont des conséquences sur les esprits faibles et fanatiques: la présidente du tribunal qui a condamné Sarkozy a reçu des menaces de mort. Cà vous parle?

    Alors non, je ne veux pas m'ériger en parangon de vertu républicaine. Mais la prochaine fois que vous vous poserez en victimes de je ne sais quel complot piloté par nos institutions , où traînerez un contre-pouvoir dans la boue pour avoir fait son travail - fake news, crierait un certain Président à la chevelure orangée: ayez l'honnêteté de vous regarder dans la glace. Je ne veux pas dramatiser et ne vous accuse pas de je ne sais quelles horreurs, mais vous êtes sur une pente glissante. Ce que vous verrez dans le miroir est peut-être bien plus sombre que ce que vous ne pensiez.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

  • Ces guerres qui n'intéressent personne.

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    Je n'ai pas regardé le discours du Président proclamant la reconnaissance d'un Etat palestinien à la tribune du Machin hier soir. Oui, le Machin, c'est ainsi que de Gaulle appelait l'ONU. Je ne tenais pas à m'infliger ce spectacle désolant, et j'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais ici. Mais j'ai lu ce discours ce matin.

    En fait, je n'ai réellement retenu qu'une phrase: "Une vie vaut une vie".

    Voilà qui ferait un beau sujet de dissertation. Je crains fort que, du point de vue philosphique, je ne puisse partager ce bel élan universaliste et humaniste digne de Kant. Je lui ai toujours préféré Aristote et Nietzche, et non, toutes les vies ne se valent pas à mes yeux. Mais je ne veux pas m'égarer dans un de mes habituels hors sujets.

    Partons donc du principe qu'une vie vaut une vie. C'est une bonne nouvelle pour toutes les victimes de ces conflits oubliés dont presque personne ne parle, n'est-ce pas?

    Si une vie vaut une vie, nous devrions voir fleurir des pamphlets contre la guerre civile éternelle en République "Démocratique" du Congo, le nettoyage ethnique du peuple Karen au Myanmar (Birmanie), la famine entraînée par la guerre au Soudan, la stérilisation forcée des Oïgours en Chine, les massacres de chrétiens au Nigéria au mains des milices islamistes et bien d'autres conflits encore. Nous devrions voir apparaître moultes protestations, manifestations, élans de colère populaire et discours ampoulés à la tribune du Machin, dans un grand élan "humaniste" semblable à celui réservé au sort des populations gazaouies prises en étau entre le Hamas et l'armée israélienne.

    Mais je sais fort bien que cela ne sera pas le cas. Il n'y aura ni manifestations, ni protestations, ni beaux discours enrobés de moraline. Car le constat est cruel: les indignations de l'Occident sont sélectives. Il y a une gradation dans la douleur. Peu importe que des villages entiers soient rayés de la carte et que les locaux crèvent de faim en République "Démocratique" du Congo, au Yémen ou au Myanmar, que le viol et les mutilations y soient perpétrés comme arme de guerre, ou que les gouvernements chinois et éthiopiens conduisent une épuration ethnique et culturelle assumée de leurs minorités: ni la presse ni la rue ne monteront au créneau. Par contre, dès qu'il s'agit d'Israël et de la Palestine, tout le monde pète un câble. C'est la Rolls Royce de l'indignation!

    Donc non, ce qu'il fallait démontrer: en pratique, une vie ne vaut pas une vie aux yeux du public et de ceux de nos dirigeants. Des populations entières sont frappées de plein fouet pas la guerre, loin des projecteurs, et tout le monde s'en fout.

    Cette gradation sélective dans la souffrance m'est insupportable. Surtout quand elle s'accompagne de la ritournelle de certains membres d'un "Camp du Bien" auto-proclamé, avec ses indignations à géométrie variable, ses silences calculés, ses récupérations politiques odieuses, et les petits kits de "prêt-à-penser" que ces belles âmes essaient de nous faire avaler. 

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.