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Politique et sociologie

  • Lecornu 2, l'épée lige.

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    Hier ou avant-hier, je ne sais plus trop, mais en tout cas avant que Sébastien Lecornu ne soit re-nommé premier ministre, j'avais commenté sur le sujet - et sur le ton de la rigolade - chez Nicolas et Falconhill. Chez le premier, qui proposait des scénarios sur le thème "qui va se retrouver à Matignon", je balançais l'idée saugrenue que Lecornu pourrait très bien être remis en selle. Je le disais en plaisantant à moitié et en taxant cette idée de possible cornichonnerie, histoire de ne pas avoir l'air complètement hors sol. Et chez Falconhill, je commentais sur notre fatigue républicaine mutuelle, et me disais que soit Macron mijotait une de ses surprises du chef, soit il était devenu complètement couillon. 

    Et bam, Lecornu a été reconduit à Matignon. C'est, pour la majorité des gens, qu'ils soient politiciens, journalistes ou simples quidams, le choc et la sidération. Personnellement, je ne suis ni choquée, ni sidérée, et je vais vous expliquer pourquoi.

    Quittons, si vous le voulez bien, le domaine de l'analyse logique et de la prédiction. Je vous emmène avec moi sur le plan du repérage des signaux faibles, et de l'observation toute scientifique des réactions d'un système institutionnel mis sous tension.

    La première chose qui m'a fait tiquer est Lecornu lui-même, lorsqu'il s'est décrit comme un moine-soldat. Peu de gens se sont attardés à analyser cette métaphore pourtant, dans la bouche d'un ancien Ministre des Armées, elle est lourde de sens. Un moine soldat c'est un Templier, un Croisé, un Zélote, un Samourai. Il a juré sur sa foi de combattre, et rien ne le détournera de ce but. C'est l'homme lige médiéval, une personne entièrement dédiée à un seigneur, une foi ou une cause, qui a "juré son épée" en un serment qui ne saurait être rompu. En employant le terme moine-soldat, Lecornu aurait tout aussi bien pu nous dire "je suis le bras armé du Président". Indice numéro un.

    Ensuite, Lecornu a déclaré: "j'ai terminé ma mission". Tout le monde y a vu une parenthèse qui se referme définitivement, alors que tout ce qu'il voulait dire était probablement: "j'ai terminé la mission qui constituait un ultime déminage afin de trouver un consensus, et maintenant je suis aux ordres, dans l'attente d'une nouvelle mission". S'il avait dit: "mon rôle est terminé", la signification aurait été bien différente...mais il a juste terminé une mission. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas lui en confier d'autres. Indice numéro deux.

    Plus troublant encore: celui qui a d'abord déclaré ne plus vouloir être premier ministre a subtilement modifié sa communication et nous dit à présent: "je ne cours pas après le job". Traduction, je ne l'exclus plus. Indice numéro trois.

    Je crois que ce gars-là sait très bien ce qu'il fait, et joue à la note près la partition écrite pour lui. J'attends bien sûr de voir le temps que çà prendra pour former un gouvernement, la déclaration de politique générale, et si un projet de budget sera présenté dans les temps, à savoir ce lundi.

    ChatGPT Image 10 oct. 2025, 23_03_06.png

    Je n'ai pas le moindre doute que ce gouvernement risque d'être censuré rapidement. Et c'est là que je repense à cette théorie farfelue de gouvernement zombie qui avait attiré mon attention il y a quelques jours. Je vous invite à relire ce billet avant de continuer avec la suite de mes élucubrations. Il suffirait que le gouvernement tombe, que Lecornu re-démissionne, et qu'il soit re-re-nommé premier ministre, et voici notre gouvernement zombie en affaires courantes, qui ne peut plus être à nouveau censuré. La menace de censure que certains brandissaient est devenue aussi efficace qu'un pistolet à bouchon. Je me souviens d'une anecdote lue hier avant la réunion à l'Elysée des présidents de parti et de groupe, dans le but probable de chercher un consensus entre les factions opposées à la dissolution. Les noms m'échappent, mais un participant disait à l'autre avant la réunion: "mais qu'est-ce qu'il nous veut", en parlant vraisemblablement du Président. Et son interlocuteur de répondre, renfrogné: "il va nous baiser". Petite musique prémonitoire.

    Mais pourquoi, si ce scénario était inéluctable, ne pas avoir directement laissé Lecornu démissionnaire à la tête de son équipe sortante il y a quelques jours au lieu de générer un tel psychodrame. Je n'en sais rien, mais la maxime diviser pour régner s'applique, et certains maillons faibles on sauté, comme Retailleau qui s'est auto-éjecté de l'équation gouvernementale en prenant des postures de diva intransigeante. LR sont au bord de l'implosion, tiraillés entre Waucquiez et Retailleau. Certains masques sont également tombés, comme ceux d'Edouard Philippe et Gabriel Attal, fort pressés d'élaborer un peu hâtivement des scénarios parricides à la Brutus. Et la peur de la dissolution, lame tout à fait prête à sortir du fourreau, terrorise probablement bon nombre de députés, particulièrement au Centre qui se ferait absolument laminer en cas de législatives. Tout ce petit monde va peut-être continuer à comploter en sourdine, mais va peut être, et même probablement, se soumettre.

    Tiens, Gabriel Attal. Je ne lui ai pas encore taillé de costard, à celui-là. Sa dernière déclaration en date est qu'il faut savoir partager le pouvoir. Pauvre garçon! Jacques Chirac le disait en 1995, le pouvoir ne se partage pas. Il s'exerce, et s'il se disperse il se dilue. Monsieur Attal représente un courant de pensée qui me crispe, et qui estime qu'il faut s'en aller à la première tempête, et que s'accrocher au pouvoir est une tare et un manque d'humilité. Cette mentalité est bien digne de notre siècle, où on préfère la facilité à la résilience, et où on voit en cette dernière un entêtement, une tare, une faute. Eh bien non. Quand une tempête s'annonce, le capitaine reste à la barre et fait face, quels que soient les coups qu'il se prend dans la tronche. Et si on a fait des conneries en donnant le cap, on reste pour essayer d'y trouver des solutions, on ne cavale pas comme un pleutre hors de la ligne de feu. Non, mon pauvre Gabriel, nous n'avons visiblement pas la même vision de la responsabilité et de l'exercice du pouvoir, tu n'as aucune verticalité en toi. Tu vois dans la reculade une vertu souhaitable...mais c'est, comme le disait Nietzche, une vertu qui rend petit.

    Je me suis écartée de l'analyse de la situation présente en y préférant une observation des signaux faibles qui rendaient un scénario Lecornu 2 plausible. Le présent reste évidemment fort confus. Les tenants et aboutissants de cette crise politique ne sont pas clairs, et je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Un mieux, une stabilisation, une dégringolade? Il n'y a pas grand chose à faire à part observer et attendre. Pour ma part je m'installe pour observer en sociologue de comptoir les réactions outrées qui ne manqueront pas de se faire entendre. Hululements d'hostilité sur X, vociférations mélenchonistes et lepénistes, chute dans les sondages de popularité. Choc et sidération face à un retournement de situation que beaucoup ne croyaient pas possible. Je vais donc vous laisser pour le moment, je m'installe pour suivre la situation avec grand intérêt.

    Oh, juste un dernier mot. Tout ce que je viens de vous dire n'est peut-être qu'une sur-analyse qui n'a guère plus de valeur que du pipi de chat. Peut-être que je me trompe lourdement, et vois dès modèles stratégiques là où il n'y a que chaos et incompétence. La manoeuvre Lecornu 2 est-elle un jeu d'échecs ou les derniers soubresauts d'un exécutif à l'agonie? Je ne sais pas. L'avenir nous le dira.

    Vous me direz allez Juliette, arrête de te tortiller en prenant des airs mystérieux, tu kiffes cette nomination ou pas? Ben oui, je lui trouve un certain charme. Oui, je sais, cette remarque me vaudra des grincements de dents et des oeillades courroucées. Peu importe, çà va très bien se passer, tenir le fort sur des opinions impopulaires, c'est une spécialité de la maison. Bisous quand même!

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

     

  • Pensées crépusculaires.

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    Vivons-nous une crise politique, voire même une crise de régime? Peut-être. Et peut-être que c'est bien pire. Je me dois de jouer les Cassandre, mais du corps de notre démocratie s'élève une odeur bien reconnaissable: celle de la gangrène, celle d'une décomposition voilée mais tangible. La classe politique n'est plus un orchestre qui joue parfois des notes discordantes, c'est un ramassis d'individus incapables de jouer autre chose que leur propre partition, sans se soucier des voisins. On s'exclut mutuellement, on rejette la moindre concession, l'intérêt particulier et la psycho-rigidité politique remplacent le bien commun.

    Du haut de leurs quelques misérables pourcents aux dernières législatives, des roitelets s'agitent, s'imaginant faiseurs de rois. Ils exigent leurs trophées, rêvent d'une bonne assiette de soupe malgré leurs gesticulations outrées. Ils agitent leurs conditions comme autant de tabous non négociables. Ce n'est qu'un bal de petites gens frustrés et ambitieux, l'oeil braqué sur la présidentielle de 2027. 

    Certains, par clientélisme mortifère, s'associent à ce que nos sociétés ont produit de pire au siècle dernier: l'antisémitisme, la théocratie, la haine de l'opposant politique. Et une partie de la vielle Gauche, la vraie, celle qui est respectable, chipote en hésitant à demander un divorce net avec ceux qui agissent de la sorte. Ne se rendent-ils pas compte qu'il s'agit d'un repoussoir absolu pour certains? Pour ma part je n'oublierai pas le spectacle lamentable du président d'un parti démocratique appelant à hisser le drapeau palestinien au fronton de nos mairies.

    Puis il y a ceux qui tremblent devant la menace de l'extrême-drouââte. Je suppose qu'ils ne se rendent pas compte que c'est leur manque de colonne vertébrale et leurs compromissions qui ont poussé bon nombre d'électeurs à émettre un vote coup de poing, un vote de sanction, un vote de refus. Les partis traditionnels feraient bien de faire leur examen de conscience et de se regarder dans la glace: peut-être arriveraient-ils à la conclusion que ce sont leurs propres indigences qui sont à l'origine de cette situation

    Ensuite viennent les tenants de la pensée iPhone. Mais oui, vous savez bien, ceux qui se ruent sur l'achat d'un nouveau modèle dès que le précédent ne leur plaît plus trop. Je fais référence, bien sûr, aux zozos qui appellent à la démission du Président. Il faut avoir bien peu de recul pour imaginer que si Macron partait, du jour au lendemain tout irait mieux. Ah bon? Il y a un rayon chez IKEA qui propose un homme providentiel en kit qui va tout résoudre d'un claquement de doigts? C'est risible. Que Monsieur Toulmonde pense ainsi par colère et ras-le-bol, c'est une chose. Mais que des politiques chevronnés comme ce dépendeur d'andouilles d'Edouard Philippe tiennent le même discours...je lève les yeux au ciel. Ces gens-là veulent tuer le père, phénomène courant en politique, mais ils ne proposent aucune solution alternative. 

    N'oublions pas les doctes paroles de ceux qui disent qu'un paysage politique fracturé en trois blocs ne peut conduire à aucune majorité viable. Tous nos voisins arrivent à former des gouvernements de coalition, mais pas nous, dieu nous en préserve (rictus sarcastique). Et après on va pleurer quand on se fait traiter de Gaulois réfractaires. Mais je me marre! C'est pas réfractaire au changement et au compromis qu'il faut dire: on est carrément dans des schémas psychorigides aux conséquences délétères.

    Car pendant ce temps, la situation économique s'aggrave, et je ne parle même pas de l'image de la France à l'étranger. Les agences de notation et les instances européennes aussi nous surveillent: un pays incapable de se stabiliser politiquement et économiquement va, plus tôt que tard, s'attirer leur foudres. Et les marchés financiers observent, calculent, et un beau jour ils sanctionnent, n'ayez aucun doute là-dessus.

    Nouvelle marotte: suspendre la réforme des retraites pour lâcher un demi-susucre à la Gauche. La belle affaire. Nous sommes dans un pays où plus de gens meurent qu'ils ne naissent, une pyramide démographique vieillissante. Refuser de prendre en compte ce vieillissement de la population et la nécessité, certes douloureuses, de toucher à la vache sacrée de l'âge de la pension, c'est une fuite en avant budgétaire.

    Une nouvelle dissolution? Elle ne changerait pas grand chose au fractionnement de l'échiquier politique, même si le Centre s'effondre (ce qu'il fera) et que le RN progresse (ce qu'il fera aussi). 

    Le mal institutionnel français n'est pas uniquement celui de Macron (qui n'est pas pour autant blanc bleu dans l'affaire), c'est celui d'une génération de politiques incapables de négocier, de former une coalition, de faire un programme et de gouverner. Et oui, cette immaturité politique et démocratique cause des foyers de gangrène. Le moment n'est pas bien loin où beaucoup de gens, épuisés et dégoûtés de leur classe politique, rêveront en secret d'un dirigeant au geste fort, tranchant et brutal. Vous verrez.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

  • Zut à la fin!

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    Voilà une matinée qui tourne au vinaigre: non seulement le gouvernement Lecornu a implosé en vol quelques heures après sa formation, mais mon confrère Nicolas se met en grève, car les évènements se succèdent de façon tellement rapide que les billets qu'il écrit deviennent obsolètes avant même d'être publiés. C'est mon cas aussi. Hier j'avais veillé assez tard pour écrire ce que je pensais du nouveau gouvernement dans un billet à publier ce matin après relecture, mais pouf, tout part en sucette. 

    Je décide donc de débrayer à mon tour et de prendre quelques distances avec l'écriture de billets politiques. Il est peut être enfin temps que je vous parle des derniers livres que j'ai lu, ou de mon amour pour le Science-Fiction, l'Heroic Fantasy et les jeux de rôles.

    Je ne sais pas combien de temps cette résolution tiendra. Peut être pas plus longtemps que le gouvernement Lecornu. Une des principales raisons pour lesquelles je n'ai pas envie d'élaborer sur la situation est que le ralbol provoqué par le spectacle piteux de notre classe politique additionné à une désillusion sarcastique croissante me ferait probablement dire des choses qui dépassent ma pensée et flirtent avec un certain populisme. Je ne suis pas immunisée contre ce phénomène, et même si mes barrières éthiques montent une garde vigilante, il y a des moments où le Côté Obscur de la Force me chatouille un peu le cerveau.

    Bien. Il ne reste plus à Macron que de nommer son chien Nemo premier ministre. Dans la Rome antique, un cheval avait bien été nommé consul. Bon, voilà que je recommence...tais-toi Juliette, et va boire une tisane.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.

  • Lecornu à la sauce belge et gouvernement zombie.

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    Il ne faut pas être sondeur ou politologue pour se rendre compte qu'un léger (?) vent d'irritation souffle sur l'opinion française quant à un gouvernement qui n'a toujours pas montré le bout de son nez, presque un mois après l'accession d'Emmanuel Macron...euhh je veux dire de Sébastien Lecornu à Matignon. Pour l'expat vivant à Bruxelles que je suis, force est de constater que le karma semble prendre sa revanche sur les blagues sur les frites et l'accent belge dont certains Français sont friands: la France est bel et bien embourbée dans un scénario à la Belge: une fracture de l'échiquier politique en blocs qui peinent à trouver un consensus afin de former une majorité ou, au minimum, d'éviter la censure.

    Les concertations menées par Lecornu sont elles aussi très "belges": le premier ministre consulte d'abord toutes les parties en présence en vue de former un gouvernement, et le cap ne sera donné qu'ensuite. Cette méthode inhabituelle agace en France, où nous ne sommes pas habitués à un tel flou artistique. Lecornu a jeté quelques miettes de ci, de là, mais le plat de résistance tarde à être servi. Sa dernière déclaration est qu'il renoncera à l'emploi du 49.3 pour faire passer la pilule en cas de blocage...mouais. Pour une fois, je suis d'accord avec la Méluche, qui estime que c'est des salades. Comme qui dirait, les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

    Je ne vais pas détailler l'exercice de grand écart auquel Lecornu se livre, ni ses perspectives de réussite, et encore moins les probabilités très élevées de censure qui va lui tomber dessus comme la vérole sur le bas clergé en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Mais j'aimerais vous parler d'un article lu récemment dans la section abonnés du Figaro, et qui a attiré mon attention sur une bizarrerie constitutionnelle.

    Je n'ai pas l'habitude de publier des résumés d'articles de presse mais, cet article étant réservé aux abonnés, je vais pour une fois déroger à cette règle, puis vous faire mes commentaires. Je tiens à préciser qu'il s'agit ici d'un petit jeu intellectuel qui reste du domaine de la théorie, je ne prétends pas que les faits exposés constituent une solution viable au blocage institutionnel actuel. Allons-y, retournons nous le cerveau. Les données issues de l'article sont en italique, et mes commentaires sont en texte normal.

    Voyez-vous, la Constitution ne fixe aucun délai pour ce qui est de la formation d'un gouvernement. Le gouvernement démissionnaire actuel pourrait-il donc théoriquement être maintenu jusqu'aux présidentielles de 2027? Vous me direz immédiatement qu'il y a un hic, et que les textes budgétaires doivent être présentés au Parlement pour la mi-octobre. Et pour ce faire, il faut un gouvernement de plein exercice, non?

    Pas exactement, et il y a une astuce: au nom de la continuité de l'Etat, la Constitution prévoit qu'un "budget d'urgence" puisse être mis sur pied par ordonnance, et ce que le gouvernement soit démissionnaire ou non.

    Comment çà marche? L'adoption d'un budget dépend non seulement de la Constitution mais aussi de la LOLF (Loi Organique relative aux lois de Finance), qui est une sorte de "Constitution financière" qui encadre le budget de l'Etat.

    L'Article 39 de la Constitution et l'Article 38 de la LOLF exigent que le projet de loi des finances soit proposé à l'Assemblée Nationale à la mi-octobre. Celle-ci a alors 40 jours pour adopter le texte en première lecture, s'il n'y a pas d'adoption  le gouvernement saisit le Sénat qui a 15 jours pour statuer. Et le Parlement a 70 jours au total pour adopter le budget complet.

    En cas de dépôt tardif du projet de loi des finances, l'Article 47.3 de la Constitution entre en jeu et un dispositif d'urgence est prévu: les dispositions de ce projet de loi peuvent être activées par ordonnance. Le gouvernement, qu'il soit démissionnaire ou en exercice, va demander au Parlement d'ouvrir par décrets les crédits provisoires nécessaires à la continuité du fonctionnement des services publics en attendant qu'un budget soit finalisé.

    On voit donc qu'un "budget d'urgence" peut être adopté par un gouvernement démissionnaire. Mais un tel gouvernement peut-il être censuré? Non, un gouvernement déjà démissionnaire ne peut pas être à nouveau renversé par les députés: on ne peut pas tuer ce qui est déjà mort. C'est, en quelque sorte, un gouvernement zombie. Et une motion de censure vise le gouvernement en tant qu'organe, et non le premier ministre. Et même renversé, ce dernier pourrait être immédiatement remis en place par le Président. Et cette fois, il y a un précédent: en 1962, Pompidou avait été immédiatement re-nommé premier ministre par de Gaulle après avoir été censuré.

    Nous voyons donc qu'il y a des failles constitutionnelles qui permettraient en théorie de maintenir indéfiniment Sébastien Lecornu et un gouvernement démissionnaire en affaires courantes jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Cela rendrait "irrenversable" le premier ministre et son équipe sortante.

    Ceci étant, est-ce parce que c'est possible que c'est souhaitable? Un gouvernement éternellement en affaires courantes ne pourrait pas faire de réformes de fond ni poser aucun acte qui engagerait durablement un gouvernement futur. Et pour ce qui est de sa légitimité politique, ce ne serait franchement pas terrible. Mais, et je vais me faire l'avocat du diable, serait-ce vraiment pire qu'un blocage total à long terme ou un boulevard ouvert au RN par une éventuelle dissolution? Je ne me prononcerai pas là dessus.

    Je conclurai en disant que parler de cette option zombie n'était qu'un exercice intellectuel qui m'a permis d'aller trifouiller dans la Constitution (j'aime bien çà), et pas nécessairement quelque chose que je considère comme un scénario qui pourrait se concrétiser.

    Quoique...bien sûr la Belgique n'est pas la France, mais les Belges jouent régulièrement à ce genre de jeu depuis bien des années

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola

     

  • Sarkozy et le choeur des pleureuses victimaires.

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    Salut à vous! Aujourd'hui, c'est dimanche, et ce dimanche je tape sur les chantres de la position victimaire. Mais si, vous les connaissez: ces gens pour qui assumer la responsabilité de leurs actes est intolérable, et qui préfèrent se parer de l'auréole du martyr. Ils se plantent ou veulent fuir un conflit potentiel, et c'est toujours la faute des autres.

    Ouin ouin, tu me parles ainsi car je suis une femme.

    Bouh houh, je rate tout ce que j'entreprends mais c'est la faute à la société.

    Sniff sniff, ne me cassez pas les pieds, mes ancêtres étaient Noirs américains/Juifs/je ne sais quoi d'autre et ont été assez persécutés comme çà. 

    Vous voyez ce que je veux dire? Eh bien, cette attitude existe aussi en politique, et nous le voyons suite à la condamnation de Sarkozy pour association de malfaiteurs. Ce dernier a choisi comme ligne de défense de clamer son innocence et dit que, je cite: " Toutes les limites de l'Etat de droit ont été violées". Dans la catégorie "l'hôpital qui se fout de la charité", cette déclaration lui vaut certainement d'arriver vainqueur sur le podium, talonné de près par une certaine Marine Le Pen! Il se rend soudainement compte qu'il n'est pas intouchable, validant ainsi une citation d'un certain Montaigne: "Sur le plus haut trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul". Et quand on tombe, le retour à la réalité est souvent brutal. 

    Mais je ne m'attarderai pas ici sur ce verdict, ni sur les réactions de Sarkozy lui-même. Ce qui m'intéresse, c'est le coeur des pleureuses issu de la Droite qui en a résulté. Mon collègue Nicolas de Partageons mon avis les trouve inaudibles. Je pense quant à moi qu'on ne les entend que trop. Exemples:

    Laurent Wauquiez estime que Sarkozy "a toujours servi la France avec passion et engagement" et "lui redit son soutien". En ce qui me concerne, quand un homme politique devient un repris de justice, tout soutien que j'aie pu manifester devient nul et non avenu. Mais enfin, chacun son truc.

    François-Xavier Bellamy estime quant à lui que "ce traitement exceptionnel, que rien ne justifie, dit tout de ce jugement politique". Cà y est, le complot de la magistrature rouge pointe le bout de son nez.

    Gérard Larcher s'est quant à lui interrogé sur "l'exécution provisoire de la peine, contraignant Sarkozy à aller en prison alors que les voies de recours ne sont pas épuisées". Eh oui, jeté au séchoir comme un vulgaire malfaiteur

    Et puis il y a Stéphane Le Rudulier, qui décroche la palme: ce jugement serait "un tsunami de honte" et il a d'ores et déjà écrit à Emmanuel Macron pour lui demander d'accorder à Sarkozy une grâce partielle portant sur l'exécution provisoire de la peine, ce qui lui éviterait d'aller dormir en prison.

    Je vous passe les déclarations venant du Rassemblement National, qui ont déjà leur victime attitrée en la personne de la Marinette.

    Si on se penche sur ces réactions, c'est bien le bal des hypocrites et la symphonie criarde de la victimisation qui sont à l'ordre du jour. La théorie populiste du complot des juges rouges est sortie du bois. Sarkozy n'est plus un homme jugé et condamné pour ses propres bêtises, mais une victime broyée dans l'étau d'une magistrature pourrie et gangrénée. Alors oui, vous allez me ressortir le "mur des cons", un épisode aussi navrant que scandaleux. Mais est-ce bien une raison pour être persuadé que si vous êtes de droite, vous ne serez pas jugé équitablement? C'est là jeter le bébé avec l'eau du bain. Oui, il est sain de remettre en cause le bon fonctionnement de nos institutions. Mais jeter tous les juges dans le même panier...un malaise commence à me gagner.

    Cela me rappelle l'affaire Fillon suite à des révélations du Canard Enchaîné. Certains n'ont toujours pas digéré le rôle de ce dernier. Et pourtant, la fin de l'histoire fut que Fillon avait bel et bien commis les faits qui lui étaient reprochés.

    La presse, satirique ou non, est un contre-pouvoir indispensable en démocratie. Si certains lui en veulent de faire son travail dès qu'elle pointe du doigt un homme politique qu'ils apprécient, j'estime qu'il y a du souci à se faire. Vous préféreriez une presse aux ordres? 

    Discréditer l'ensemble de la magistrature à coup de théories vaguement complotistes. Critiquer le rôle d'un contre-pouvoir qui fait son taf. Quand je vois çà, le malaise dont je parlais plus haut se fait bien profond. J'exagère peut-être, mais nous avons là un raisonnement qui non seulement est victimaire, mais rappelle furieusement les méthodes de certains populismes qui ne sentent pas vraiment la rose.

    Et les mots ont des conséquences sur les esprits faibles et fanatiques: la présidente du tribunal qui a condamné Sarkozy a reçu des menaces de mort. Cà vous parle?

    Alors non, je ne veux pas m'ériger en parangon de vertu républicaine. Mais la prochaine fois que vous vous poserez en victimes de je ne sais quel complot piloté par nos institutions , où traînerez un contre-pouvoir dans la boue pour avoir fait son travail - fake news, crierait un certain Président à la chevelure orangée: ayez l'honnêteté de vous regarder dans la glace. Je ne veux pas dramatiser et ne vous accuse pas de je ne sais quelles horreurs, mais vous êtes sur une pente glissante. Ce que vous verrez dans le miroir est peut-être bien plus sombre que ce que vous ne pensiez.

     

    A la revoyure,

    Juliette Evola.